Il se trouvait devant les bâtiments de CyberLife. C’était étrange d’être en face d’un batiment qui portrait le nom de son ancienne entreprise. Il aurait dû s’en douter. Il aurait dû chercher. Sûrement qu’il l’aurait trouvé et lui aurais demandé des comptes. Ou au moins, une explication, ou le moyen de rejoindre cette entreprise. Entreprise qui avait été la sienne mais qui ne gardait que le nom. Pas de construction d’androïde là-dedans, il avait vérifié. Oh, ça restait une entreprise à la pointe de la technologie qui saurais proposer à Everton ce qui lui manquais - quelque chose d’intéressant en terme technologique - mais… Ca n’était pas son CyberLife.
Il se rappelait le jour où il avait créer cette entreprise, où Amanda lui avait semblé être fière de lui. C’était à peu près en même temps qu’il avait conçu Chloe.

Et maintenant, cette même Chloe avait pris son nom et son nom de famille pour refaire sa vie. Et plutôt que de le vexer, le terrifier, l’énerver, ça le faisait sourire. Que son premier prototype décide de jouer à son tour à ce genre de choses… Celui qui se prenait pour un dieu y voyait là un défi, mais aussi une curiosité fascinante.
C’était bien au-delà de tout ce qu’il avait pu vouloir et imaginer.

Et ça lui plaisais. Mais ce que Elijah appréciait le plus, c’était retrouver Chloe. Sa Chloe, déviante, énervée un peu, mais contente. Forcément, cette même Chloe qui se trouvait à Everton s’était reçue une balle en pleine tête à cause d’un stupide test. Il y avait de quoi en être mécontente. Mais elle s’était déjà vengée un peu. Et l’homme qui se tenait toujours devant CyberLife, n’ignorait pas qu’elle risquait de continuer.
Bah. Qu’elle fasse ce qu’elle voulait, maintenant qu’elle le pouvait.

Souriant, il entra dans les bâtiments ou personne ne le connaissait. S’approchant de l’accueil où se tenait quelques secrétaires charger d’indiquer aux gens les bonnes informations, il les toisa un peu. Comme si dans le moindre élément de l’endroit, il y cherchait quelque chose.
D’ailleurs, il observa un peu aussi le hall en lui-même. Il jouait au jeu des sept différences. Il s’amusait de ça, et se pencha finalement vers une de ces secrétaires. Parce que pour la plupart, et comme souvent, il s’agissait de fille.
Pourtant, l’être face à lui ressemblait plus à un homme.


- Bonjour, vous avez rendez-vous ? demanda ce dernier en toisant un peu Elijah avec cet air faussement sympathique qu’abordent tous les gens qui vous demandent ça
- En effet, avec votre directrice, Chloe Kamski.

Bien sûr qu’il troubla le secrétaire, qui vérifia quand même l’agenda avant de secouer la tête :

- Vous devez vous tromper.
- Oh non, je ne me trompe jamais. Et surtout pas sur ça.

Il se sentait amusé par la situation. Parce qu’il voyait bien que l’autre en face commençait à le prendre pour un idiot, et à le sous estimer probablement.

- Hm…. Je vous dis qu’elle n’a pas rendez vous, et si vous persistez, je pourrais peut-être appeler la sécurité.
- Je m’appelle Elijah Kamski, commença Elijah en sortant sa carte d’identité pour prouver ce fait : et j’insiste sur le fait que j’ai rendez-vous avec miss Kamski.

Il aurait pu la prévenir. Après tout, il avait trouvé son numéro. Oh ça n’avait pas été le plus facile à chercher, mais Elijah adorait les défis, surtout en ce qui concernait les impossibilités de la technologie. Alors bien sûr qu’il avait trouvé son numéro. Mais la contacter et lui demander rendez vous…. Non ça aurait été trop facile.

Et puis, là, de voir la mine déconfite de son secrétaire qui ne savais pas trop quoi faire, était encore plus amusant.

- Vous n’avez qu’à la contacter pour lui demander. Vous verrez.

Prenant un air innocent, il laissa l’homme faire cela. Clairement, c’était la première fois que ce type osait contacter celle qui était tout au dessus de lui pour autre chose que “votre rendez vous est arrivé”. Et Elijah se délectant de sa réaction.
Il savait que le jeu était dangereux : si elle voulait, elle pourrait tout à fait prétendre qu’elle ne le connaissait pas et il se retrouverait à la porte.
Mais c’était un test. Comme toujours, il aimait un peu trop les tests.

Comme un diable sortant de sa boîte, ou une apparition miraculeuse”, Chloe sembla sortir du couloir. Elijah plissa un instant les yeux, la regardant. Pour qu’elle soit là si vite, c’est qu’elle était déjà là avant.
Avait-elle entendu ce qu’il s’était passé ? Depuis quand était-elle là ? Elijah resta silencieux, ne posa pas la question.
Il l’observait simplement. Là, bien habillée, comme la dernière fois, directrice qui faisait son effet, puisque très clairement, le secrétaire semblait soudain se redresser, et avoir l’air parfait.
Elijah connaissait cette sensation. Des gens qui se pliaient devant vous quand vous apparaissiez dans leur champ de vision.
Il savait aussi ce qu’il se passait quand vous disparaissiez ensuite.

L’observant prendre quelques papiers, Elijah vit que Chloe posa son regard sur la carte qu’il avait affiché. Il la rangea, subtilement, à son emplacement habituel. Son sourire perpétuel sur le visage. Celui-ci s’agrandi en entendant la remarque de Chloe.

La voyant se diriger vers l’ascenseur, il réfléchit. Elle avait un avantage : l’homme avait beau l’avoir conçue, il ignorait exactement ce qu’elle était devenue avec la déviance. Il ignorait ses pensées. Mais, il pouvait deviner. Elijah ne possédait peut-être aucun pouvoir magique, pourtant, il savait lire sur les gens.
C’était un très bon moyen de défense.

La toisant, il fini par la suivre, à une certaine distance. Si elle lui fermait l’ascenseur au nez, il aurait l’air bien misérable, mais en même temps, il n’avait aucune envie qu’elle croit qu’il pouvait la suivre où elle voulait. Question d’égo démesuré pour pas grand chose. Et pourtant, il la respectait. Même plus que ça. Il l’aimait. Mais ça… Il l’exprimait de bien d’autres façons.

- Je peux toujours t’offrir le café, tu sais ? Et tu n’avais rien dit à propos de tes employés.

Se glissant dans l’ascenseur, il laissa ses doigts pianoter sur son propre téléphone, envoyant un message à un numéro qu’il avait obtenu depuis déjà un temps.
Il savait que le téléphone de Chloe réagirait en conséquence.

- Mais c’était plus…Attrayant de venir ici directement. Que d’utiliser ce que j’ai obtenu pour te contacter directement.

Le message disait “Bonjour Chloe”. Simple. Direct. Et son sourire s’agrandit doucement. Il était curieux de voir la suite des événements. Son regard perçant fixé sur le bouton qu’elle appuierait. Fixé sur l’intérieur de l’ascenseur, le nombre d’étages, analysant.

- J’espère ne pas avoir… Lancé quelques rumeurs, par ma présence.

Oh, bien sûr que si. Il savait très bien ce qu’il avait fait. Il savait que les secrétaires étaient souvent les personnes qui colportaient le mieux les on dit. Et qu’il n’y avait pas que “Camille” qui avait dû entendre ce qu’il s’était passé.
Maintenant, il restait à attendre de voir ce qu’il se passerait.

Elijah nota que Chloe ne regarda même pas son téléphone. Il ne lui en tint pas rigueur. Il continuait de sourire. Il savait qu’elle voulait se jouer de lui. Probablement de se venger de ce qui lui était arrivé. De ce qu’il lui avait fait. Il l’avait sacrifié. Et si de son côté elle avait survécu, pour elle… C’était différent.
Son sourire ne se décrocha pas. Il écouta sa création parler avec de l’ironie. C’était… Si différent. Et en même temps, si agréable. Il l’aimait déjà avant, il la préférait déviante.

- Après, je ne peux pas en vouloir à tes bons goûts.

Il s’envoyait des fleurs, comme trop souvent. S’il pouvait se le permettre, il n’hésitait pas. Et puis, il voulait poursuivre dans la taquinerie. Il sentait bien que Chloe ne s’en offusquerait pas. Que la conversation n’en serais que plus intéressante.
Il laissa les yeux bleus de la demoiselle se porter sur lui, et il resta silencieux. Ses lèvres semblaient refuser de s’affaisser. Pourtant, à cet instant, il n’avait aucune idée d’à quoi elle pensait.
Mais c’en n’était que plus fascinant. Il vit l’ascenseur démarrer tout seul, et se douta immédiatement de quelque chose.
Il n’était pas stupide. Il se doutait que ça devait avoir un rapport avec elle. Avec ce qu’elle aurait pu faire si elle était encore une androïde.

Finalement, le silence resta, et elle reprit sa position initiale. Il n’avait rien dit. Il l’avait contemplé. Observé. Détaillé. Il en gardait encore chaque parcelle en mémoire. Elijah avait apprécié leur proximité, aussi. Ca lui avait manqué.
Un souvenir lui remonta en tête. D’une de ses nuits où il était plus Elijah que Kamski. Il l’effaça rapidement. L’homme faisait souvent ça avec ce qu’il considérait comme une faiblesse.

- Tu as raison, je n’ai jamais rien précisé pour mes employés. J’aurais dû prévoir tes réactions. Après tout, cela ne doit pas être facile pour toi. A Detroit tu as choisis de quitter CyberLife. Ici je te l’ai pris, sans même te demander ton avis. Souhaites-tu que je te rende ta société ?

Elle lui avait déjà demandé ça. Poser la question du nom, de l’entreprise, de tout le reste. Elijah songea à sa présence ici, aux différences avec ce qu’il avait conçu. Il songea à ce qu’il avait fait, ce jour où il était parti de CyberLife. De sa propre création. Pour se confiner dans un endroit éloigné, mais où il pouvait toujours contempler son oeuvre, et la mépriser.

- Me rendre ma société… Il me semble que celle-ci t’appartient. Et il me semble que même avant, elle ne m’appartenait déjà plus.

Il eut un silence, comme s’il réfléchissait, alors qu’il savait très bien ce qu’il allait dire ensuite. Il ne l’observait pas, les mains croisées, posées au milieu de son corps, en ligne droite.

- Non, tu peux la garder. Comme tu peux garder mon nom. En fait, je ne suis pas là que pour te proposer ce café, tu sais.

Oh, elle devait s’en douter. De toutes les personnes qu’il avait côtoyées, Chloe était celle qui le connaissait le plus. Elle connaissait probablement même ces moments qu’il avait effacé de sa mémoire proche, plus tôt.
Ces moments, dans le noir de la nuit, où, blottit contre elle, il dévoilait une personnalité plus vulnérable.
Beaucoup auraient pu penser que vu son caractère, Elijah avait abusé de ses androïdes. Mais beaucoup, alors, ne le connaissaient pas réellement. Jamais il ne les avait touché plus que de mesure.
Il s’était juste endormi contre elles, dans ce besoin de retrouver un peu d’humanité.
Il pouvait se prendre pour Dieu, qu’il n’était rien de moins qu’un humain. Et que, parfois, il s’en rappelait.

Revenant au présent, Elijah observa l’ascenseur monter lentement.
Quand celui-ci arriva, il sortit, et emboita le pas à Chloe. Au fond, elle pouvait l’emmener où elle voulait, qu’il la suivait. C’était dangereux, mais excitant.
Et puis, quelque chose lui disait qu’il n’avait rien à craindre.

- Pour ma proposition, tu préfères attendre que je t’en fasse part avant, pendant, ou après le café ?

Il lui demandait. Après tout, il aimait faire survivre le suspens, preuve en est de ses pauses lorsqu’il parlait, mais tout de même.

Entrant dans le bureau de Chloe, le bureau d’un PDG, le bureau d’une femme qui avait su où se diriger, Elijah analysa les lieux avec sérénité. Il avait presque l’impression de se retrouver là où il se trouvait avant. A cette place si importante, en haut de cette tour gigantesque. Il se laissa à un sourire presque nostalgique. Referma la porte. De toute évidence, il savait que bientôt, s’il continuait d’être en la présence de la jeune femme, alors, il se sentirait calme.
Calme, mais surtout, à sa place.

Restant debout, Elijah se saisit du verre tendu par la jeune femme, et s’amusa de la voir en tenir un similaire. Cela montrait par là l’humanité de la blonde. L’humanité… La savoir humaine réveillait en lui sa curiosité. Que ressentait-elle ? Avait-elle dû apprendre à faire avec ?
Elijah savait qu’il finirait bien par apprendre tout ça, d’une façon ou d’une autre.

- Soit, un verre alors.

Il le pris donc, le souleva, le contempla, le jaugeant. Forcément, l’homme savait reconnaître les bons whiskys des autres.
Hochant la tête de satisfaction, il ne prit pas la peine de trinquer avant de boire. Montrant là, que pour trinquer, il fallait déjà se révéler.

Esquissant une moue approbatrice, il paru apprécier ce qu’il bu.

- Pas mauvais.

Mais Elijah n’était pas stupide. Il n’allait pas boire à s’en soûler. Déjà, parce qu’il voulait voir Chloe boire à son tour - curieux de la voir faire, sa façon de faire, ses expressions faciales, etc -. Ensuite, parce que rester sobre était quelque chose auquel il tenait.
Au délà de ça, il se fit la réflexion que Chloe aurait pu l’empoisonner qu’il serait tombé raide là. Mais par ce geste sans hésitation, il avait montré qu’il lui faisait confiance.
Un signe…Rare. Chez Elijah Kamski.

- Ce que je veux vraiment, donc, hm… Disons que…

Se posant élégamment dans un coin, il posa son regard grisé vers celui bleu de Chloe :

- L’entreprise pour laquelle je travaille, et où tu m’as vu, ne me conviens plus. Je voudrais…Disons changer. Et bien sûr, tu te doutes, si je fais cela…. Disons que sur le marché, tout le monde voudra de moi.

Oh, Elijah savait qu’il flattait son égo, mais il savait aussi que Chloe savait que c’était vrai. Elijah était un génie après tout. Il apprenait vite. Il comprenait vite. Et la technologie avait peu de secrets pour lui.

- Seulement… Je me disais que proposer mes services à une entreprise déjà particulière pourrait… Être intéressant.

Voilà ainsi son projet : travailler pour Chloe.

- Je ne demande pas à prendre les rênes de CyberLife, je demande de lui proposer mes compétences…

Chloe pouvait dire non. Bien sûr, qu’elle pouvait refuser. Rejeter Elijah, l’éloigner d’elle.
Et en même temps, il comptait sur ce qu’elle savait de lui pour qu’elle ne le fasse pas. Du reste, si elle disait non… Eh bien, il n’aurait qu’à construire une entreprise concurrentielle. Sans aucun problème.
Seulement, s’il aimait le pouvoir, il aimait aussi… Ca. Pouvoir voir comment Chloe se débrouillait, et travailler pour elle.

Il bu une nouvelle gorgée en conclusion.

Assis, verre en main, il saisissait l’ironie de la situation. Les échanges de force. Le fait qu’ici, il n’était pas grand chose comparée à “Chloe Kamski”. Pourtant, il n’avait peur de rien. Il avait bu le verre sans avoir peur. Testant. Il avait fait sa proposition sans peur de rien. Testant encore, et toujours.
Les limites de Chloe, ce qu’elle pensait de lui, ce qu’elle était prête à faire pour lui. Il ne doutait pas d’elle, jamais. Il savait comment elle était, même sans jamais l’avoir vu dévier; Il savait, et il ne craignait donc rien.

Pusiqu’il avait fini de parler, il laissa la blonde s’exprimer, expliquant là les faits : oui, il était spécialisé en A.I mais s’il n’y avait que ça, après tout…
Il était doué dans bien d’autres choses.
Il se contenta d’un sourire, quand elle se leva, et, amusé qu’elle l’imite par cette douce caresse qu’elle lui affubla, il ne la rejeta pas.

-N’est-ce pas ironique ? Toi qui m’a créé. Tu m’as perfectionné. Tu as fait de moi une intelligence artificielle assez poussée pour pouvoir passer le test de Turing. Tu as choisi chaque aspect de ma personnalité. Et maintenant c’est toi qui veut travailler avec moi.

Oh. Oui, c’était bien ironique, pourtant, Elijah ne s’en offusquait pas. Son égo n’était pas touché, son intelligence non plus. Il savait ce qu’il faisait. Sinon, il ne serait pas là, à se laisser caresser de pareille façon.
C’était bien lui qui voulait travailler avec elle.
Il se demanda un bref instant, si elle savait à quoi il pensait réellement.
Il ne douta pas que oui. Si elle était sa Chloe, elle le connaissait bien.

La laissant s’asseoir sur son bureau, il ne bougea pas d’un pouce, et au final… Il l’entendit lui céder ce qu’il désirait. Bien. Parfait, même.
Se levant doucement, il fut interrompu dans sa démarche par le rajout de la blonde.
La fixant, l’entendant, il eut un sourire à “pas d’androïde”. pas d’expérience sociale. Pas de révolution. Pas de problème. Pas de… Philanthropie détournée.
Elijah n’était pas surpris : il ne pourrait pas se jouer d’elle.

Avec douceur, qui pourtant ne cachait aucunement sa malice, il fit :

- Soit. De toute façon, il n’y a pas de thirium ici. Pas de thirium…Pas d’androïde.

Il disait cela avec légèreté, parce que de toute façon, il était facile de créer des androïdes avec cet endroit qui, de toute façon lui offrait la magie, et bien des choses qui aurait pu lui permettre de le faire d’une façon différente.
Mais. Il n’en ferait rien.
Être avec Chloe était bien plus intéressant que reproduire ce qu’il avait construit à Detroit en 2038.

S’approchant du bureau, reposant le verre qu’il n’avait bu que de moitié, il croisa les mains devant lui, et lâcha :

- Où dois-je signer ?

Oh, il ne comptait pas repartir directement au laboratoire, l’air docile et content d’avoir été embauché par une entreprise au nom similaire à la sienne.

- Et n’oublie pas donc, dans le contrat, d’y insérer la clause des androïds… Même si, tu as ma parole à ce sujet.

Il semblait un peu plus sérieux.
Après tout, elle l’avait été avec lui.

- De toute façon, il s’agit de ton entreprise…. Tu pourras vérifier aisément ce que je fais.

Et qu’il était pressé de voir ce qu´elle en penserait. De voir ses réactions. Ses avis. Voir si elle serait plus sévère ou non… Ca risquait d´être bien…Fascinant.