Le coude posé sur le comptoir, le menton posé dans ma main, je regardais par la fenêtre de ma boutique. Ma boutique tristement vide. Le regard complètement perdu dans la brouillard. Cette ville était définitivement étrange. En même temps, c’était difficile de la qualifier autrement. Nous venions littéralement de nous réveiller et de découvrir que la ville entière avait bougé. A l’intérieur et à l’extérieur. Et aujourd’hui n’était vraiment pas une bonne pour sortir. A vrai dire, je n’étais moi-même pas certaine de ce que je faisais ici. Aujourd’hui n’était pas une journée à sortir dehors. Alors pourquoi quelqu’un passerait le pas de ma porte ? C’était ce que je pensais. Jusqu’à ce que j’entende le son très distinctif de la petite clochette de la porte d’entrée.

Tel une vision, elle entrait dans ma boutique. Presque irréel. Qui apparaîtrait au milieu de ce brouillard pour arriver ici ? Personne. Je devais être en train de rêver. Et je n’allais pas m’en plaindre. Pour une fois mon imagination s’était laissée aller à cette vision.

C’était un peu comme si le temps s’était complètement arrêté. Le reste du monde s’effaçait petit à petit, lentement mais sûrement, à partir de l’instant où elle avait poussé la porte pour rentrer. La repoussant derrière elle pour ne pas laisser entrer le froid avec elle. Mon regard glissa sur ses cheveux humidifié par le temps qu’elle avait passé dehors. Mais qui la rendait jolie. Elle devait certainement l’être d’habitude, pourtant là cela me semblait être autre chose. Quelque chose qui me donnait envie de recouvrir sa tête d’une serviette pour sécher ses cheveux. Mon regard poursuit son chemin vers ses mains. Suivant du regard son mouvement. Rapprochant ses doigts de sa bouche pour se les réchauffer. Il me semblait que j’étais totalement fasciné par le moindre de ses mouvements. Je remarquais absolument tout. La coloration des ses joues. Le mouvement de ses lèvres lorsqu’elle ouvrit la bouche pour parler. Le son mélodieux de sa voix.

Je fermais les yeux pour écouter ce son. Complètement perdue dans ma rêverie. Je voulais pouvoir rester là pendant des heures à l’écouter. Je voulais cependant être une bonne hôte et l'accueillir. Les deux informations contraires se mélangairent dans ma tête et après avoir essayer de faire un pas de côté, je m’effondrais complètement par terre derrière le comptoir.

Bien jouer pour la première impression… Aussi rapidement que possible, je bondis sur mes pieds pour me relever. Affichant un sourire maladroit.

Bienvenue au … hum … Wizard’s Shop ! Comment puis-je vous aider ? Vous cherchez quelque chose en particulier peut-être ? Une boîte à musique antique peut-être. Ou des herbes rares. Un thé pour vous réchauffer ?

Tellement pressé d’essayer de rattraper ma bourde, je ne réalisais pas tout de suite qu’en me relevant je m’étais retrouvée nez à nez avec la nouvelle venue. Mon cerveau mit un long moment à enregistrer l’information, clairement il avait décidé d’abandonner et de rester dans un brouillard aussi épais que celui à l’extérieur. Cependant même en réalisant la proximité, je ne bougeais pas pour autant. J’affichais juste bêtement un sourire en hochant la tête lorsqu’elle m’informa qu’elle voulait faire un tour de la boutique. Et finalement ce n’est que lorsque ma main entra en contact avec la sienne que le froid me ramena à la réalité. Comme une bonne grosse claque en pleine figure.

Par Merlin ! Vous êtes gelée !

Sans même réfléchir plus longtemps, je resserais mon emprise sur sa main pour la mener vers la salle de repos. Ce n’est qu’à ce moment-là que je lâchais sa main pour commencer à préparer une théière. Chauffer l’eau. Doser les feuilles. Sortir deux tasses. Je m’activais dans la salle de repos, comme s’il était absolument primordiale pour moi de mettre une tasse de thé chaud entre ses mains pour pouvoir les réchauffer.

Et puis je me figeais d’un coup. Réalisant qu’elle m’avait donné son nom mais je ne lui avais jamais répondu. J’enchainais les bourdes aujourd’hui, je ne savais réellement pas ce qui m’arrivait. Je me retournais donc vers la jeune femme. Souriant bêtement.

Désolée, je ne me suis même pas présentée et je vous traîne déjà à l’arrière de la boutique… Je m'appelle Isobel Goldman. Promis, je ne suis pas une sociopathe. Honnêtement je ne sais pas ce que j’ai aujourd’hui…

Nerveusement, je me grattais la nuque. J’étais persuadé de creuser un peu plus dans ma connerie à force de parler. Si elle ne partait pas en courant maintenant, ce serait un réel miracle. Ou peut-être qu’elle préférait rester à l'abri du froid plutôt que de devoir l’affronter pour aller ailleurs. Je fronçais d’ailleurs légèrement les sourcils en pensant au temps qu’il fait.

Si je peux me permettre. Ce n’est vraiment pas un temps idéale pour sortir, qu’est-ce que vous faisiez dehors ?

En regardant la rouquine, je penchais légèrement la tête. Nous venions tout juste de nous rencontrer, me faisait-elle déjà confiance à ce point-là ? Je faisais tout pour que mes clients puissent trouver ce qu’ils cherchaient ici, mais pendant qu’elle plaisantait avec ma théière, n’avait-elle pas penser que j’aurais parfaitement pu mettre du poison à la place du thé ? Ou ajouter une herbe ou l’autre avec effet indésirable. Depuis que j’étais arrivé ici j’avais toujours considérer qu’il fallait être stupide pour tenter quoi que ce soit contre les habitants de la ville. Il suffisait que la personne passe du Hope Shelter à la police pour porter plainte et dénoncer directement son agresseur. Mais tout de même.

Je ne pû m’empêcher de froncer légèrement les sourcils en l’écoutant parler. C’était à la fois captivant et en même temps j’avais du mal à saisir où elle voulait en venir. Je ne conduisais pas non plus tout le monde à l’arrière de la boutique. C’était plus particulièrement réservé aux pauses que nous souhaitions prendre. Cependant, Miss Flynn avait affronté la tempête extérieure pour venir jusqu’ici. Le moins que je puisse faire c’était faire en sorte qu’elle ne tombe pas malade. Non ?

Prise un peu au dépourvue, je n’eus même pas le temps de répondre à sa question qu’elle prenait déjà place. Bien sûr je n’allais pas le lui refuser. C’était tout de même un peu amusant de voir qu’elle prenait complètement ses aises. Je n’était cependant plus vraiment amusé lorsqu’elle fit référence à mon accueil.

Que-Quoi ? Non ! Ce n’est pas ça ! J’ai perdu l’équilibre… Parce que…

Parce que je l’avais trouvée si belle lorsqu’elle était entrée que l’espace d’un instant, j’avais cru à une vision et j’en avais oublié jusqu’à l’usage de mes jambes. Je souris. Ce n’était pas vraiment quelque chose que j’allais dire à quelqu’un que je venais à peine de rencontrer. J’estimais m’être assez couverte de ridicule. Et ce n’était pas quelque chose que je faisais de manière régulière.

Au lieu de cela, je servis les deux tasses de thé pour pouvoir lui en tendre une. Après tout, mon but premier en l'amenant ici était de la réchauffer. Je ne pouvais cependant pas revenir en arrière et changer quoi que ce soit. Il me faudrait donc faire avec ce que j’ai. Et pour le moment c’était tout ce que je pouvais faire.

J’espère être à la hauteur de la légende. Tenez. Il faut vous réchauffer.

Un petit sourire étira mes lèvres à sa réponse. Quelque part ça me plaisait. Je ne saurais pas trop dire pourquoi. Mais cette femme avait quelque chose. Elle dégageait un certain je-ne-sais-quoi qui m'attirait. Je restais cependant silencieuse. Il ne faudrait surtout pas que je retombe dans ma très mauvaise habitude de dire n’importe quoi ou plus exactement tout ce qui me passe par la tête.

Je restais silencieuse en l’observant. Elle possédait une certaine grâce dans ses mouvements. Une élégance distincte. Quelque chose que je n’aurais de toute évidence jamais. J’en avais fait la démonstration lorsqu’elle était entrée. N’allez pas vous méprendre, je ne suis pas du genre maladroite. Mais il peut m’arriver d’être complètement à côté de la plaque. Heureusement ce trait de caractère n’avait jamais affecté mon travail lorsque je travaillais encore pour le ministère.

La belle rousse me sortit de mes pensées en me posant sa question. Il me fallut une petite seconde pour enregistrer la question. Ou même pour me rendre compte que je m’étais moi-aussi installée.

Hum… Quelques mois. Enfin, cela fait quelque mois que j’ai ouvert. J’ai découvert cet endroit et il m’a fallu un moment pour transformer les locaux en boutique. Ce n’est pas réellement mon domaine d’expertise à la base… Mais c’est une expérience supplémentaire.

Je ne me voyais, surtout, pas réellement tourner le dos à un endroit comme celui-ci. Je m’étais un peu renseignée autour et personne n’avait vraiment idée depuis quand c’était ainsi. Clairement il avait l’air abandonné mais j’avais été la seule à réellement m’y intéresser. C’était un peu devenu ma responsabilité.

Et vous ? Vous avez quelque chose dans le coin aussi ? Ou avez-vous juste décidé de faire un brin de shopping sous une pluie torrentielle ?

Puisque sa simple présence malgré les intempéries avait piqué ma curiosité, c’était peut-être l’occasion d’avoir ma réponse. Et qui sait, peut-être que cela me donnerait une occasion quelconque de retourner la voir.