~ I don't recognise the faces anymore ~
Pendant un instant, c'est le soulagement. Ta joue repose contre le dossier d'un fauteuil, le
sien sans doute, tout ça n'a été qu'un de tes cauchemars.
Sens. Tu inspires profondément alors que tu déplies lentement tes jambes… puis te redresse brusquement, observant la pièce autour de toi.
C'est en ne sentant ni l'odeur de son cigare, ni les effluves du bar que tu as réalisé que tu n'étais pas chez toi.
Tu as eu du mal à écouter les explications qu'on t'a fournies, par-dessus les rires déments de Mylo, à qui tu as hurlé de la fermer sous l'œil confus de l'inconnu. Tu auras des papiers d'identité, la première fois de toute ta vie, dans une ville hors de ton monde.
Trinquons à cette nouvelle réalité.
Mais tu n'y arrives pas. Les heures s'écoulent et tu as l'impression d'être à nouveau Powder. Dans cette chambre qu'on t'a donnée, juste pour toi, les murs semblent vouloir t'avaler et tu as beau hurler, pleurer, rien ne semble pouvoir les repousser. Cette fois il n'y a personne à aider, rien à faire, seulement toi et tes fantômes et le poids de tout ce que tu as perdu.
Tes doigts frôlent ton pistolet et le silence se fait, aussi soudain que vertigineux.
C'est la seule solution, et tu le sais.Oui.
Oui, tu n'es plus dans les Voies, plus à
Zaun.
Cette fois-ci, ce sera pour de bon. Plus de docteur, plus de shimmer.
Juste toi et le froid du métal.
"Boom." Tu murmures, avec un soupir qui ressemble à du soulagement.
Le fauteuil, une migraine.
Les doigts tremblants, tu comptes. Trois fois. C'est arrivé, tu n'as pas halluciné.
Ici non plus, rien ne reste jamais vraiment mort.
Tu ignores le mélange de surprise et de pitié dans les yeux de la personne que tu as vue un peu plus tôt, regagnes ta chambre.
Il te faut plusieurs jours pour réussir à t'aventurer dehors.
Tu laisses Poiscailles et ta mitrailleuse dans ta chambre, soigneusement gardés par ce qu'il te reste de grenades, n'emportant que ton pistolet que tu laisses bien en évidence sur ta cuisse. A l'extérieur, il te faut un moment pour t'habituer au soleil qui te brûles les yeux, alors que tu essayes de comprendre dans quel genre d'endroit tu te trouves.
Les gens d'ici ont l'air détendus, flânant comme à Piltover. Les rues sont propres, lumineuses. Tu ne vois, à première vue, aucune arme. Pas d'enfants décharnés vivant de rapines, pas de mendiants rongés par l'addiction.
Ce n'est pas, non plus, aussi doré que Piltover l'est. L'était?
Tu penses vraiment avoir réussi quelque chose? Tu secoues la tête, essayant de chasser la silhouette qui pèse sur tes épaules.
Peut-être que la Nation de Zaun aurait pu ressembler à ça, si…
Si tu ne l'avais pas tué."La ferme, Mylo."Tu siffles entre tes dents, tâchant d'ignorer la façon dont toute ta poitrine se contracte. Tu essayes de chasser la pensée, de fixer ton attention sur autre chose, et tu lèves le nez sur la vitrine devant laquelle tu n'avais pas réalisé t'être immobilisée.
Devant toi trône un cupcake et tu peux
le voir, ligoté à l'autre bout de la table. Tu as beau tourner le dos à la surface vitrée, tituber sur le côté et laisser tes épaules percuter le mur pour chercher un peu de stabilité, l'image reste comme imprimée sur tes rétines.
Lui, fixant droit devant. Sa chaise tournant alors qu'il s'affaisse.
Tu as l'impression de réaliser une fois de plus ce que tu as fait, ton souffle se bloquant dans ta poitrine alors que cette fois-ci il n'y a nulle part où courir.
Le monde tremble
c'est toi qui tremble et tes yeux s'humidifient une nouvelle fois alors que tu peux revoir ses blessures.
Tu peux presque, sous tes doigts qui se plient et se déplient comme s'ils voulaient attraper quelque chose, sentir la chaleur poisseuse du sang qui s'écoule.
Tu l'as tué.
Un père de plus à ton tableau de chasse.Tes genoux cèdent sous ton poids, et tu te fous bien d'être assise dans la rue au milieu des passants.
Tu l'as tué et tu as perdu tout le reste.
Tu n'as plus que tes fantômes et des regrets.