S’il y avait bien une chose qu’Amy ne pouvait pas renier, c’était ses origines écossaises. Outre sa chevelure rousse, la fierté était l’un des traits dominants de son caractère. Un orgueil qui ne l’amenait pas toujours à prendre les décisions les plus avisées et qui pouvait même parfois blesser ceux qui l’entouraient bien malgré elle. Elle en avait conscience. Elle travaillait dessus, lorsque c’était nécessaire.
Il lui avait bien fallu se résoudre à l’évidence : c’était désormais nécessaire.
Elle avait beau toujours porter l’absence de Melody, l’amener avec elle partout où elle allait, elle ne pouvait pas demander à Grace de la porter avec elle. Cette jeune fille était innocente, elle ne lui avait rien fait à part s’attirer l’affection de Rory, et c’était loin d’être un crime. Au contraire, cela aurait dû lui garantir l’estime de l’épouse Williams, si la douleur et une forme malvenue de jalousie ne s'étaient mêlées à cette affaire.
Amy se devait de faire amende honorable auprès de sa colocataire, aussi avait-elle pris sur elle, avait-elle mis de côté sa fierté mal placée, et avait proposé à Grace de partager un thé ensemble une après-midi où Rory était parti, de service à l’hôpital.
Sur la table trônait le gâteau qu’elle avait choisi à la pâtisserie d’Everton, un magnifique framboisier dont la crème était aromatisée à la rose, avec des décorations florales assorties, le tout dans les tons rose et vert pastel ; la rousse s’était décidé en pensant aux goûts vestimentaires de la jeune fille, car elle ne connaissait en réalité pas vraiment ses goûts en matière de nourriture. Elle savait seulement que Grace était une experte en thé, elle le reconnaissait bien volontiers puisqu’elle avait bénéficié de cette expertise en vivant dans la même maison. C’était d’ailleurs elle qui devait se charger du choix du thé pour accompagner leur douceur.
Assise nerveusement sur le bord de sa chaise, nouant et dénouant ses doigts, Amy attendait que la fille adoptive de son mari - elle n’arrivait toujours pas à s’y faire - rentre en l’honneur de leur tea party. Lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir, elle se leva, essuyant ses mains moites sur son pantalon, et plaqua un sourire crispé sur ses lèvres. Pourquoi avait-elle si peur de ce temps partagé ? Quelle faiblesse cela touchait-il en elle ?
« Hello, Grace, comment s’est passée ta journée ? » demanda-t-elle, la voix un peu tendue mais sincère.