Bien que cela fasse déjà quelques mois que j’ai pris la tête de la bibliothèque de la ville, il me restait encore beaucoup de choses à apprendre et à maîtriser. Je m’étais dit que c’était une bonne idée de reprendre en main la bibliothèque, mais j’étais encore complètement perdue avec la technologie moldue. J’avais passé presque toute ma vie complètement plongé dans les livres. D’abord avec mes études et puis ensuite pour essayer d'échapper, au moins mentalement, à mon quotidien bien morne. Cela ne faisait cependant pas de moi une experte pour la gestion d’une bibliothèque. Heureusement, le personnel déjà présent depuis plus longtemps que moi s’y connaissait bien et cela m’avait permis de prendre en main les choses plus simplement.

Il m’avait toutefois fallu un moment pour m'habituer à la présence d’un sorcier dans mon lieu de travail. Le temps passé ici n’avait pas effacé le vécu et la peur constante à chaqu’un de mes mouvements. Je ne me sentais toujours pas assez à l’aise pour utiliser la magie et je tentais autant que possible de me fondre dans la masse des moldus. Me faire oublier était tout ce que je voulais. Et surtout, ne pas croiser quelqu’un de mon passé. A l’exception bien sûr de Mila. Si je pouvais avoir ma fille avec moi ici, tout serait absolument parfait.

Aujourd’hui cependant, j’essayais encore une fois de comprendre ce qui se passait avec mon téléphone. J’avais beau appuyer dessus, il n’en faisait qu’à sa tête. C’était à n’y rien comprendre. Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à faire des actions simples. Ou tout simplement quitter ce truc pour revenir à la page principale. C’était parfaitement frustrant.

Une distraction s’offrit à moi alors qu’un bruit sourd se fit entendre. Quittant mon téléphone des yeux, mon regard se posa sur un homme allongé sur le sol. J’eus une petite inspiration de surprise et mon premier réflexe fut de me précipiter pour voir s’il était blessé. Ou s’il avait besoin d’aide pour se relever. Peut-être était-ce une coutume d’où il venait. Tellement de monde se mélangeait ici, je ne pouvais de toute façon pas connaître les mœurs et coutumes de chaque monde.

Ses salutations me surprirent et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. C’était dit si naturellement et cela me changeait tellement de ce que j’avais vécu pendant mes années de mariage que je ne pouvais que rire. C’était si… différent des réactions que Severus pouvait avoir en me voyant que c’était sorti naturellement.

Merci, c’est très aimable de votre part. Je pense cependant que je vais éviter de m’allonger sur le sol… en pleine rue. Vous avez besoin d’aide ?

Sans pouvoir me défaire de mon sourire, je tendis la main vers lui pour l’inviter à se relever. Coutume ou non, je doutais qu’il veuille réellement continuer à se rouler par terre.

Refermant ma main sur la sienne, je l’aidais à se relever. Levant légèrement la tête pour plonger mon regard dans le sien. Et l’espace d’un instant, le temps s’arrêta pour moi. Ce n’était l’histoire que de quelques secondes. Il se trouvait si proche de moi. En temps normal j’aurais dit trop proche. Etrangement, cela ne me dérangeait pas. Du moins c’est ce que je pensais. Le temps qui s’était arrêté me sembla devenir une éternité. Et les doutes et les peurs reprirent surface bien assez vite. Je baissais mon regard sur nos mains à peine un instant avant qu’il ne décide de me lâcher.

Par instinct, je reculais d’un pas. Cela ne fit rien pour me mettre en sécurité, mais je n’y pouvais rien. Les reflex ont la vie dure. Je me maudis intérieurement d’être aussi faible. Durant mon adolescence j’étais persuadée d’être invincible. Même si j’adorais me perdre dans les connaissances et les livres. Rien, absolument rien ne pouvait m’arrêter. Et j’étais persuadée que cela durerait toute ma vie. Ô comme je me trompais. L’illusion avait été brisée et j’avais été remise à ma place. Une place de faiblesse.

E-Evany…

Ma voix était un mélange de murmure et de grommellement, n’osant toujours pas lever les yeux pour le regarder. Je n’étais pas certaine qu’il m’ait vraiment entendu. Je ne ferais de toute façon pas le poids face à lui s’il décidait de faire quoi que ce soit.

Les yeux toujours baissés, ceux-ci se posaient alors sur une veste encore sur le sol. Je fronçais très légèrement les sourcils  avant de me pencher pour la ramasser. Elle était à l’endroit où il se trouvait allongé sur le sol. Je me demandais comment est-ce que j’avais pu rater ce détail. Je me demandais également ce qui s’était passé pour qu’elle soit dans un tel état et qu’il se soit allongé sur le sol avec.

Prenant mon courage à deux mains, je la tendis vers lui. N’osant toujours pas relever la tête.

Elle est à v-vous ?

Quoi ? Non !

Brusquement je relevais la tête pour le regarder. De toute ma vie je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme lui. Si j’autorisais mon esprit à fantasmer d’une relation plus saine et durable que celle dans laquelle j’avais été forcée, cela aurait certainement été avec quelqu’un comme lui. Il semblait doux et respecterait probablement mes limites. Et derrière son air décoiffé, je ne pouvais pas nier que je me sentais attirée physiquement par lui. Son regard posé sur moi pourrait probablement m'embrasser à n’importe quel moment si l’envie lui en prenait. La manière qu’il avait de prononcer mon prénom, comme si c’était le plus jolie mot dans toutes les langues du monde… Non, je ne pouvais pas nier mon attraction pour lui.

Le problème… C’est que je m’étais déjà faite avoir. J’avais déjà été piégée par la seule famille qu’il me restait. Forcée dans un mariage que je ne voulais pas. Séquestrée dans une maison triste et austère. La seule chose qui m’avait fait tenir le coup aussi longtemps, c’était Mila. Sans elle, j'aurais probablement baissé les bras depuis longtemps. Avec elle, je comprenais pourquoi ma mère voulait me protéger aussi longtemps que possible. Parfois j’aurais même préféré qu’elle ne me dise rien. Que le secret se perde avec elle. Si seulement je n’avais pas été aussi curieuse. Mais je n’aurais alors jamais rencontré Severus. Et je n’aurais jamais eu Mila.

J’étais restée là bouche bée à le regarder pendant ce qui me semblait une éternité. Pourtant il ne devait s’être écoulé que quelques secondes puisqu’il avait reprit naturellement la parole pour se présenter correctement.

Sirius Black…

Je connaissais ce nom. Et tout était maintenant si clair. J’avais lu les journaux, je connaissais son nom. Pourtant je ne l’avais pas reconnu tout de suite. Il faut dire qu’il était bien différent maintenant de la photo qui avait été publiée lors de son évasion. Il avait définitivement repris du poil de la bête. Sûrement parce qu’il ne passait plus ses journées entourés de détraqueurs.

Connaître son nom aurait probablement dû me faire peur. Cependant, être si proche de cousin Voldy impliquait que j’avais pût entendre quelques bribes de conversations. Même en étant isolée, la curiosité m'habite toujours, je ne pouvais pas m’empêcher de laisser traîner mes oreilles à l'affût de la moindre information sur le monde extérieur. Je savais donc aussi que Bellatrix l’avait tué. Puisqu’elle en parlait avec tant de fierté.

Enchantée, Sirius Black.

Je lui offrais mon plus beau sourire en lui tendant la main, comme pour officialiser nos présentations.

Rassurez-vous, je vais bien. Vous n’avez été ni brusque, ni effrayant. Et vous êtes très loin d’être laid, c’est même plutôt l’inverse…

Cette dernière phrase était sortie assez naturellement, sans que je m’en rende réellement compte de ce que je disais réellement. J’étais tellement rassurée d’être en présence de quelqu’un qui n’informerait pas Tom de ma présence ici que j’avais parlé sans vraiment réfléchir à ce qu'impliquerait ma phrase.

L’espace d’un instant, je baissais le regard, après avoir réalisé ce que je venais de dire. Ou d’insinuer. Ce n’était pas comme si je pouvais reprendre ce que j’avais dis. Ou que je ne le pensais pas. Au contraire. Il avait ce quelque chose chez lui. Je ne pouvais pas l’expliquer, mais je me sentais bien. En sécurité. Peut-être parce que c’était pour le peu d'informations que j’avais sur lui. Parce que je savais qu’il n’avait rien à voir avec Tom. Mais en même temps, je n’en savais pas vraiment plus. Severus n’avait jamais été vraiment du genre à papoter de choses et d’autres avec moi.

Je suivis le mouvement de sa main dans ses cheveux. Comment un simple geste pouvait être aussi captivant ? C’était comme voir une scène au ralenti dans un film. Ou comme si j’avais été l’adolescente timide en train de regarder le garçon le plus populaire de l’école. Ce qui me ramenait quelques années en arrière. Cette pensée me semblait un peu ridicule et je me forçait à détourner le regard.

Jusqu’à ce que mon regard se concentre plus précisément sur sa main et que je remarque les traces noires sur celle-ci. Sans réfléchir, j’attrapais sa main pour l’éloigner de ses cheveux. Je ne savais pas à quoi correspondait ces tâches noir, mais ce serait vraiment dommage de salir ses cheveux ainsi. J’éloignais donc sa main et avant même de réfléchir à ce que j’étais en train de faire, je levais ma main libre pour repousser ses mèches de cheveux et les remettre en place.

Vous… avez les mains sales…

Mon regard se posa sur sa main que je tenais toujours avant de remonter vers son visage et se plonger dans ses yeux bleus. Et je savais que j’aurais pu me perdre dans ce regard. Oublier tout le reste. Comme si plus rien d’autre n’existait en cet instant. Que le temps s’était arrêté et s’étirait éternellement. Ce n’était pas le cas, bien sûr. Et il me fallut un moment avant de réaliser qu’il avait posé une question mais que j’avais été trop distraite par lui pour répondre.

Avec plaisir.

Un léger sourire étira mes lèvres et je lâchais enfin sa main pour fouiller dans mon sac pour trouver un morceau de papier sur lequel je griffonne mon numéro de téléphone avant de le lui tendre.

Mon numéro… Quoi qu’il ne serait pas vraiment utile pour le moment puisque mon téléphone s’est apparemment bloqué donc… maintenant ?

Aucun problème, prenez votre temps.

Je n’étais, de toute façon, pas particulièrement pressée. J’hésitais cependant un petit instant lorsqu’il me dit que je pouvais venir ou rester ici. Mon regard se dirigea vers mes pieds avant d’embrasser la rue du regard et enfin se fixer sur l’enseigne. Cela faisait tellement longtemps que je n’avais pas été libre de mes propres choix que je me demandais encore parfois comment agir et si j’avais réellement le droit de faire ce que je voulais.

Peut-être qu’entrer dans un endroit inconnu avec quelqu’un que je ne connaissais que très peu et uniquement de nom n’était pas la meilleure idée du monde. Pourtant avant que j’ai réellement pris une décision, je me suis surpris à le suivre. Quelque part, j’étais curieuse. Je n’avais jamais mis ne serait-ce qu’un pied dans un garage.

La première chose qui me frappa fût l’odeur. Ce n’était pas réellement désagréable. Mais c’était particulier. Comme si c’était une odeur spécifique à cet endroit. Sans que je puisse réellement être certaine de quoi que ce soit, puisque je ne savais même pas ce qu’il faisait ici.

Rapidement mon regard se posa sur les véhicules qu’il avait à l’intérieur. Je jetais rapidement un coup d'œil vers Sirius qui était déjà en train de se laver les mains. Je m’aventurais ensuite près d’une voiture. Oui, malgré mon manque de connaissance, je pouvais faire un plus un et comprendre qu’il s’occupait donc de ce genre de chose ici et bien que je fasse partie du monde magique, je n’étais pas stupide au point de ne pas savoir ce qu’est une voiture. Je n’étais juste… Jamais monter dans une voiture avant. Puisque je n'utilise que très peu de magie, je ne transplanais même pas pour mes déplacements. Je faisais absolument tout à pied.

Inconsciemment, je posais le bout de mes doigts sur la carrosserie et je laissais mes doigts parcourir celle-ci alors que je longeais le côté de la voiture. Alors qu’avant je ne m’étais absolument jamais posé la question, maintenant je me demandais quel sensation cela ferait d’être dans un de ses engins. Je pouvais en voir passer tous les jours, mais jamais une seule fois je n’avais eu envie d'entrer dans une de ces voitures. Et voilà que maintenant je me retrouvais complètement plongé dans mes pensées. La curiosité m’envahissait. Mais plus que sur les véhicules en eux-mêmes, c’était autre chose qui avait piqué ma curiosité.

Pourquoi “padfoot” ?

La question m’avait échappée avant même que je m’en rende compte. Et je relevais les yeux pour chercher Sirius du regard.